En France, on a une image très fantasmée du viol et des violeurs. Comme j'ai pu le lire dans l'ouvrage Une culture du viol à la française de Valérie Rey-Robert, les stéréotypes liés au viol sont très nombreux en France. Ces mêmes stéréotypes sont malheureusement liés au fait que l'on condamne encore rarement ce crime (on rappelle qu'en 2017 par exemple, sur les 14268 plaintes, seuls 1266 agresseurs ont été condamnés), et que l'on a largement tendance à déculpabiliser l'agresseur lorsqu'il ne correspond pas à notre image cliché du violeur.
En effet, l'étude réalisée par Ipsos en 2019 pour l'association Mémoire traumatique fait froid dans le dos : 57% des Français.e.s considèrent qu'il est plus difficile pour un homme de maîtriser sa sexualité que pour une femme ; 26% pensent qu'en matière de rapport sexuel, les femmes savent moins bien ce qu'elles veulent que les hommes (l'idée qui en découle est bien que comme on ne sait pas ce qu'on veut, un non peut en fait être un oui).
Et Valérie Rey-Robert d'ajouter dans son livre, que pour bon nombre de Françai.s.e.s, le violeur est un inconnu, qui attaque dans une ruelle sombre, doté d'une arme, et qui en plus de cela potentiellement plutôt racisé.
Pourtant, les chiffres sont là, bien que beaucoup peinent à les entendre : dans 67% des cas de viol, l'agression a lieu au domicile de la victime ou de l'agresseur (contre à peine 3,7% pour les agressions dans la rue). De même, l'Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) réalisée en 2000 montre que la victime connaît son agresseur dans sept cas sur huit. Quand la victime est mineure, le violeur est dans les deux tiers des cas d'une personne interne à la famille.
On a aussi tendance à croire que les violeurs sont des personnes marginalisées, mais aussi et surtout des personnes issues du milieu populaire. Quand on lit les chiffres, on voit en effet que 12% des agresseurs condamnés avaient un père dont le métier est assimilé au statut de cadre, et que 62% des violeurs avaient un père ouvrier (source). On aurait donc vite fait de faire des raccourcis : les violeurs sont issus des milieux populaires, point.
Il faut prendre un peu de recul : en fait, dans l'imaginaire collectif, on imagine pas un homme d'un milieu aisé comme étant un violeur potentiel. De plus, lors d'un passage aux assises, il sera plus facile pour une personne d'un milieu aisé de comprendre le vocabulaire juridique parfois pointu, d'utiliser un vocabulaire similaire, et donc de se défendre.
Concernant enfin l'origine des violeurs, les idées reçues vont, là aussi, bon train. En effet, plusieurs études ont montré que 52% des violeurs à Paris seraient d'origine étrangère (Etude de Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales).
Cette étude est biaisée pour plusieurs raisons:
- Le territoire est celui de Paris uniquement, ville où les personnes de nationalité autre que française sur surreprésentés
- Elle ne prend en compte que les viols déclarés, soit 8% de la totalité des viols et n'est donc pas représentative
- Il existe une autre étude, menée par le SSMSI (Service statistique ministériel de la sécurité intérieure) menée en 2017 qui montre que 86% des personnes mises en cause pour des faits de violences sexuelles sont d'origine française.
En fait, cette étude montre surtout une chose : les viols qui sont relayés à la police ou le système judiciaire ont tendance à plus facilement accuser les agresseurs qui correspondent au stéréotype du violeur (personne du milieu populaire, marginalisée, étrangère, etc...).
Et surtout, elle permet de renforcer l'idée que le violeur, c'est forcément l'Autre, pas celui qui est chez soi, pas son voisin, mais bien le marginalisé. Elle invisibilise totalement un fait établi: n'importe qui peut être un violeur.
Le viol n'a pas d'âge, de nationalité, ou de statut social, comme le répète à plusieurs reprises Valérie Rey-Robert dans Une culture du viol à la française.