Avant d'entrer dans le vif du sujet et de vous expliquer ce qu'est l'écoféminisme, je précise qu'il s'agit là de ma compréhension personnelle du mouvement et des activistes s'en revendiquant ainsi que des connaissances acquises au sein du Master en études de genre que je suis actuellement.
En effet, il s'agit d'un mot recouvrant une diversité immense de réalité, et dont les actions s'ancrent en général peu dans une approche théorique du sujet.
L'écoféminisme, qu'est-ce que c'est ?
C'est un mouvement féministe apparaissant dans les années 60 et surtout 70, principalement aux Etats-Unis, sous l'impulsion de plusieurs femmes (notamment Carolyn Merchant, Rachel Carson avec son ouvrage Silent Spring qui sort en 1962) et dans un contexte particulier. En effet, le rapport Meadows paraît en 1972 et met en avant le lien entre croissance économique et désastre écologique, mais aussi le pic de pétrole, ou encore les réflexions sur la croissance démographique exponentielle sont un terrain qui permet aux féministes de faire le lien entre domination de la terre et domination du corps des femmes.
Il s'agit là du nerf de la guerre : les penseuses écoféministes mettent en avant les mécanismes de domination de notre société industrielle et capitaliste, qui utilise sans demander la permission les ressources naturelles finies, le corps des femmes et des personnes racisées.
Aujourd'hui, la phrase-clé de Sandrine Rousseau, candidate à la primaire écologiste, résume assez bien le sujet selon moi: "On prend, on utilise, on jette le corps des femmes quand on les viole et quand on les agresse. On prend, on utilise, on jette la nature quand on prend des ressources et qu’on salit les océans à coup de plastique. On prend, on utilise, on jette aussi les corps des plus précaires dans la société."
En pratique, on fait quoi quand on est écoféministe ?
Enormément de choses ! Et justement, c'est même là tout le propos : l'écoféminisme ne se théorise pas, il se vit.
Lorsqu'en 1973, un groupe de villageoises organise le mouvement Chipko en Inde pour revendiquer le refus de déboiser une forêt entière en se collant à des arbres pour éviter qu'ils soient rasés, c'est une action écoféministe.

Quand les femmes kényanes plantes des millions d'arbres contre la déforestation, les éboulements et la sécheresse tout en promouvant l'éducation des filles via le Green belt movement, c'est une tactique écoféministe.
Le fait de créer des communautés de femmes vivant en autonomie et en respectant le vivant peut faire partie de pratiques écoféministes (à ce titre, les béguinages en sont selon moi!). Starhawk, figure de proue de l'écoféminisme des années 90-2000, met aussi en avant la sorcellerie et les pratiques spirituelles comme mise en pratique de cette mouvance.
Les critiques de l'écoféminisme
Toutefois, on remarque que le regain d'intérêt pour la notion (notamment avec la réédition en France de Le féminisme ou la mort de Françoise d'Eaubonne) est assez récent. En effet, pour beaucoup de féministes, la question écologique peut être dangereuse car elle peut impliquer un retour à la nature avec une resacralisation de cette dernière, alors même que la seconde vague féministe avait tout fait pour s'en affranchir.
De même, le mouvement est connu chez nous pour être principalement blanc, alors que, au vu des exemples cités plus haut, il est possible de constater que les pays considérés par l'Occident comme "en voix de développement" ont multiplié les actions par nécessité, par besoin pour survivre. Elles n'employaient certes pas le terme écoféminisme, mais leurs actions n'en sont pas moins clairement de cette branche ! Le risque, comme pour beaucoup d'autres secteurs et/ou mouvements (comme l'écologie de manière générale), est une réappropriation par les femmes blanches, qui sont dominantes dans la médiatisation dont jouit le mouvement. Elles se coupent ainsi des pratiques de terrain qui ont court et nient la diversité des mouvements mais aussi la capacité des femmes racisées à organiser des mouvements politisés forts.
Ainsi, l'écoféminisme, c'est une démarche intersectionnelle qui permet de comprendre que le système capitaliste et industriel que nous avons créé fonctionne en prenant et en jetant, les ressources et les corps, et se basant sur une division des genres, construite, qui pose le masculin en dominant, et la violence en valeur positive.