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Pourquoi j'aime Camille Laurens

Si vous suivez l'actualité, il se peut que le nom de Camille Laurens vous dise quelque chose. En effet, l'autrice fait partie du jury du Prix Goncourt, mais surtout, elle fait la une des journaux à cause de potentiels conflits d'intérêts. N'étant pas très avide de l'actualité brûlante, surtout quand elle manque de recul, je préfère aujourd'hui vous raconter le moment où j'ai découvert cette autrice brillante et engagée, et comment son oeuvre m'a touchée.

Il y a quelques mois, je proposais de créer un groupe Facebook d'échange de livres féministes dans ma ville, et une femme a mis en ligne le livre Fille, de Camille Laurens. J'avais déjà vaguement entendu parler de l'autrice, encensée par la critique, dont ce dernier roman a d'ailleurs été élu meilleur livre de l'année par le magazine Lire.

Ni une ni deux, je vais chercher l'ouvrage, ouvrage que j'ai dévoré le soir même en trois heures.


C'est simple, Fille, c'est un livre que toutes les personnes nées sous le genre féminin devraient lire. Ce livre porte en lui le poids du genre féminin et des risques qu'il comporte dans une société patriarcale. Le ton est lourd, l'expérience malaisante, et en même temps, une certaine joie de vivre semble rester ancrée chez Laurence, le personnage principal que l'on suit depuis la naissance jusqu'à l'âge adulte. L'humour et la gravité se mêlent à merveille sous la plume de l'autrice.


Camille Laurens plonge dans le sexisme qui teinte encore notre société (car si son personnage est né dans les années 50, les situations évoquées sont bel et bien actuelles) ; elle critique ouvertement le machisme non seulement de la langue française mais aussi celui qui fait soupirer les parents qui accouchent de filles, alors qu'ils préféreraient des garçons. La déception du père de Laurence dès le début du livre est palpable "Une fille, c'est bien aussi", lui dit-on pour tenter de lui faire voir le positif de la situation.

Un sexisme à peine camouflé qui retentit à chaque étape de l'existence, car comme on le voit en suivant Laurence tout au long de sa vie, être une femme, dans une société à l'héritage patriarcal, ce n'est pas une mince affaire.


Fille aborde des sujets difficiles et tabous : deuil périnatal, injonction à la pureté, agression sexuelle, toute puissance du père, etc ...

Une phrase résume d'ailleurs à merveille ce qu'on attend des filles, et c'est le père de Laurence qui lui explique : "Les filles ont leurs règles et elles suivent les règles, c'est tout." Au contraire, les hommes ont le droit de se forger une expérience, cela prouvera même leur valeur.


En définitive, ce roman au nom presque anodin est un formidable plaidoyer pour le féminisme : il permet au lectorat concerné de se plonger dans la réalité de la condition de femme, comme au lectorat non concerné d'avoir un aperçu de ce que cela implique, que d'être une femme ou perçue comme telle.

Il pose aussi la question de la transmission, de l'éducation parentale et des blessures que bon nombre de parents transmettent, souvent involontairement, à leurs enfants. Un héritage dont on doit pouvoir se libérer pour mettre fin aux attentes irréalistes, à la baisse de l'estime de soi et aux traumatismes.


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