Comme chaque 25 novembre, on parle de ces fameuses "violences faites aux femmes". Mais continuer à employer cette expression, c'est, selon moi, tourner autour du pot, et pour, le gouvernement comme pour les médias, c'est pratiquer la langue de bois.
Les violences faites aux femmes, c'est un excellent moyen de ne pas nommer le problème, et ainsi de continuer à lutter contre un ennemi qui ne veut pas se dire, sans succès, donc. Quand le gouvernement parle de grande cause nationale, quand il dédie un site "Arrêtons les violences" à ces problèmes, il ne pointe pas le nerf de la guerre.

Qui pratique et perpétue ces violences faites aux femmes ? Le patriarcat. Quand on a dit ça, on a rien dit non plus, en réalité. Le patriarcat, c'est une entité impalpable qui permet à tout un chacun.e de se dédouaner en toute tranquillité.
Je pense qu'il est grand temps de parler de violence masculine. 122 féminicides en 2021, 122 femmes tuées par leur compagnon ou ex simplement pour les avoir quittés, pour avoir voulu être libres (c'est presque autant que le Bataclan, on attend les hommages nationaux). 94 000 viols ou tentatives de viol chaque année avec dans 45% des cas un partenaire ou ex comme agresseur. 53% de femmes et personnes sexisées qui ont déjà subi une violence sexuelle de la part d'un homme dans plus de 98% des cas.
Et quand on parle de violence masculine, on parle bien d'un bain géant de violence banalisée, dans lequel nous baignons tous et toutes, dès l'enfance, qui est donc apprise.
Pour contrer cette violence, les féministes (dont je fais partie) pointent le groupe "hommes", pas pour pointer les hommes dans leur individualité, mais bien comme groupe social à qui l'on apprend dès le plus jeune âge que la violence est banale, voire, souhaitable, pour devenir un homme.
Peu importe que beaucoup d'hommes ne soient pas violents, le problème, c'est que nous vivons dans une société violente (gouvernement, famille, école), et que la réponse ne peut plus être une réponse qui perpétue aussi cette même violence.
Car oui, les hommes subissent aussi de la violence. Oui, ils sont plus nombreux à ne trouver aucune autre réponse que le suic*de, à subir des métiers qui les aliènent en utilisant leur corps jusqu'à la moelle, à mourir sur la route ou d'un accident par balle. Ils subissent, enfants souvent, l'inc*este, les coups.
Mais cette violence que subissent les hommes provient aussi de la violence masculine, alimentée par une masculinité toxique qui les pousse au danger, à ne pas prendre soin d'eux, à ne pas s'écouter voire à nier complètement leurs ressentis et émotions.
La violence masculine est un PROBLEME SOCIETAL, dont nous portons TOUS.TES la responsabilité. Nous ne pouvons la traiter qu'en y apportant des réponses collectives.
En cette journée internationale contre la violence masculine, j'aimerais que les hommes prennent le temps de comprendre les rouages de la violence. Qu'ils comprennent aussi que nous sommes une bonne partie de militantes à encourager une réponse qui soit de la responsabilité collective, et que notre message est plutôt du côté de la transformation de notre société.
Non, nous ne vous pointons pas parce que vous êtes tous des ordures nées (si c'était le cas, on ne serait pas militantes, on saurait que c'est naturel, inné, qu'on ne pourrait rien changer, on aurait certainement opté pour une solution plus radicale depuis bien longtemps). Quand on parle de violence masculine, on parle simplement d'une société inhumaine, aliénante, dont tout le monde fait les frais.
Il est temps que les hommes deviennent de vrais alliés féministes, et que nous envisagions ensemble des solutions humaines, tournées vers l'empathie, l'écoute, et la prise en charge, plutôt que vers la judiciarisation, le pénal, la prison, la police.
Ces entités n'ont jamais été nos alliées, elles ne le seront probablement jamais, mais si nous admettons collectivement le problème qui nous ronge, nous pourrons certainement trouver des solutions positives pour tous.tes.
J'espère que les hommes et les personnes qui diabolisent le féminisme finiront par comprendre qu'en tant que féministes, nous ne voulons pas l'égalité entre les hommes et les femmes.
Nous réfléchissons et proposons plutôt un projet de société nouveau, où la violence n'aura sa place pour personne.
Car personnellement, je ne lutte pas pour avoir le droit d'agir et donc de dominer comme un homme (car le masculin reste l'étalon, la mesure, et on nous encourage en réalité aujourd'hui à atteindre ce modèle-là), je lutte pour que l'on réforme tout. La police, le système pénal, l'école, la binarité de genre, le travail, bref, que l'on imagine un monde nouveau, où l'humain vivra dans un monde vraiment digne d'une vie saine.