
A Samuel Laurent, Solène Cordier, et à tous.tes les journalistes qui n'ont pas mieux à faire que d'accuser les militantes féministes, ne voyez-vous pas le problème de vos torchons qu'on publie quand même ?
Je suis tombée sur cet article il y a une semaine environ, vous n'imaginez pas à quel point il m'a énervé. Quelques mois plus tôt, on pouvait lire dans un article du Figaro, "Viols en pleine rue à Paris : où sont les féministes ?".
Où sommes-nous ? Partout, en fait. On investit massivement les librairies, les réseaux sociaux, les rues, les médias en tous genres. Nous nous démenons pour nous faire une place malgré la censure, nous écrivons, filmons, postons, proposons un paquet de choses.
Le problème, c'est qu'il n'y a AUCUN relais politique, et que le relais médiatique est, quant à lui, médiocre, par les médias mainstream. Nous nous épuisons, et la seule réponse qui nous est adressée est une énième attaque. On nous somme d'être sur tous les fronts, on nous accuse de nous taire lorsque l'Islam est attaqué parce que nous ne voulons pas nous mouiller face à une religion déjà bien trop stigmatisée en France.
Premièrement : on ne peut pas être sur tous les fronts. A mon échelle de créatrice de contenus militants, je ne suis pas au courant de tout. Deuxièmement, on a le droit de choisir ses combats AUSSI. Est-ce que vous accusez Action contre le faim de ne pas se battre pour l'accès aux soins, ou les militant.e.s anti-chasse de ne pas être tous véganes ? Non.
Encore personnellement, je n'ai pas parlé publiquement de l'affaire Mila, tout simplement parce que je ne savais pas quoi en penser pendant un bon moment. J'étais perdue. Néanmoins, j'y vois maintenant un peu plus clair, et je ne suis pas en faveur du fait qu'une jeune femme de 16 ans qui dit de la merde sur internet soit brandie en étendard de la liberté d'expression voire associée aux féministes. C'est une ado qui ne s'est pas rendue compte de ses propos, et qui a subie la violence patriarcale dans une proportion exubérante (ce que je ne cautionne évidemment pas non plus).
J'estime que je ne suis ni dans le camps des #jesuismila ni dans celui des #jenesuispasmila parce que cette histoire est complexe, et que j'en ai ma claque de devoir toujours avoir un avis tranché sur tout. On se moquait il y a quelques années des débats présidentiels aux Etats-Unis, qui sont remplis de clash sans fond politique argumenté : on fait exactement la même chose, dans nos gouvernements et dans nos prises de position publiques ou personnelles. On m'écrit parfois en message privé pour me demander mon avis sur tel ou tel sujet, et je réponds que, franchement, je ne sais pas, ou bien, même si j'ai un avis, qu'il n'est pas parole d'évangile et qu'il est utile de croiser les sources et les arguments. Je suis obligée de faire cela dans une société où l'opinion d'affiliation est devenue la norme.
Concernant l'affaire Mila : non, ce n'est pas un "silence embarrassé" comme aimeraient le croire ces deux "journalistes" du Monde. C'est un silence assumé (en ce qui me concerne) : on peut ne pas être solidaires avec les propos de toutes les femmes, malgré un besoin de sororité. Je ne soutiens pas des dizaines de féministes par exemples ; elles existent, mais nous n'avons rien en commun et ce n'est pas grave.
Sérieusement, Solène Cordier, Samuel Laurent, ouvrez vos colonnes pour relayer les combats et réflexions quotidiennes que nous menons, ou bien pour vous insurger que seulement 13 personnes aient été appelées au procès pour cyberharcèlement de Mila, plutôt que d'utiliser votre encre virtuelle pour fustiger les agissements ou non des militantes féministes, qu'on essaie toujours de silencier au quotidien. J'ai vérifié, c'est votre seul article dans Le Monde qui se concentre sur l'affaire Mila. Sérieusement, vous n'avez rien d'autre à en dire ?
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A ce sujet, je vous conseille aussi ce post de l'autrice Fiona Schmidt :