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L'oppressé.e, oppresseur.e ?

La semaine dernière, une jeune mère commentait, outrée, un post sur le compte Facebook de Causette, qui relayait une étude en cours à propos des personnes childfree (qui ne souhaitent pas d'enfant(s)).

J'ai tiqué en lisant le mot "culpabilisant". J'ai noté un temps d'arrêt, et je me suis dit : et si, en effet, on parlait tellement du désir de ne pas être parent comme source d'émancipation, qu'on en venait à recréer une injonction et, du coup, à oppresser d'autres personnes ?

Cela voudrait dire que le non désir d'enfant serait devenu totalement banal, qu'il serait normalisé voire serait devenu la norme ?

Et bien, spoiler ... Non, absolument pas.

Souhaiter ne pas devenir parent, c'est encore largement incompris, et beaucoup de personnes s'octroient encore le droit, en 2021, de juger nos décisions et de décider à notre place qu'un utérus viable doit forcément servir à enfanter. Qu'il s'agit là de notre fonctionnalité première, fonctionnalité à laquelle on n'aurait pas le droit de se soustraire.


Alors, pourquoi cette femme, qui est également mère, a-t-elle mal pris le fait que Causette partage une enquête sur les personnes childfree ? Effectivement, les médias féministes s'emparent énormément de la question : depuis plusieurs mois, je reçois chaque semaine des demandes d'interviews ou de podcast pour traiter du sujet. Il y a donc un intérêt certain et c'est une bonne chose. Mais je ne me suis jamais demandée si cet intérêt blesse les parents de manière générale, comme il a blessé cette mère de famille ?

Pourquoi je ne me suis jamais demandée cela ? Pour la raison suivante : doit-on arrêter d'aborder l'homosexualité pour ne pas froisser les hétérosexuels ? Arrêter de parler de la transidendité pour que les personnes cisgenres ne se sentent pas attaquées ? Ou encore, arrêter de parler de sexisme pour ne pas embêter ces pauvres hommes ?

Vous voyez à quel point c'est absurde ?


Cette mère a réagi de la sorte pour des raisons personnelles. Elle se sent certainement attaquée et jugée dans son choix d'avoir eu des enfants, alors même qu'il n'est absolument jamais question, dans l'étude publiée, de mettre en place une hiérarchie entre les personnes childfree et celles qui ont eu des enfants. Je ne saurais pas répondre pourquoi à la place de cette femme, mais voici quelques idées qui me viennent à l'esprit :


  • La possibilité même de faire sa vie sans enfant ne lui a jamais été énoncée, elle découvre une option de vie qu'elle n'a jamais envisagée et elle est donc gagnée par l'incompréhension ;

  • La maternité a peut-être (je dis bien peut-être!) été un sacrifice pour elle, et elle ne comprend alors pas que l'on puisse être une femme et s'y soustraire ;

  • La maternité a peut-être été un bonheur si grand qu'elle ne comprend pas que l'on puisse refuser de ne pas vouloir goûter à ce bonheur unique ;

  • Elle n'a pas choisi d'enfanter et elle culpabilise donc du fait de ne pas avoir décidé pour elle-même ;

  • Le schéma classique de la famille nucléaire est tellement ancré en elle que lire de manière répétée que certaines personnes veulent l'envoyer valser sciemment est une aberration.

Quoi qu'il en soit, la réaction de cette personne n'est à mon sens absolument pas rationnelle : il s'agit clairement d'une interprétation complètement fantasmée.


La question, n'est donc pas tant de savoir si c'est mieux de faire un enfant ou non, mais bien de prendre du recul quand on lit un avis divergent du nôtre : s'il nous agresse, de se demander pourquoi ? Si notre réaction est rationnelle ou si elle est liée à de simples frustrations personnelles.


Qu'en pensez-vous ?

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