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Je ne suis pas féministe, je suis humaniste

Cela fait des mois que j'entends cette phrase, des semaines que je pense à analyser ces mots.


Beaucoup de personnes se revendiquent humaniste, en opposition au mouvement féministe dont le combat serait trop radicale et les idées, inégalitaires. En effet, le féminisme n'a rien d'une doctrine, d'une religion, il se façonne au fur et à mesure que les générations évoluent, et il ne comporte ni chef.fe de file, ni idéologie exacte. Néanmoins, si l'on s'en tient à la définition du Larousse, il s'agit simplement d'un " mouvement militant pour l'amélioration et l'extension du rôle et des droits des femmes dans la société. "

On ne parle pas de domination, ni même d'émasculation masculine, mais bien simplement de recherche d'une société plus égalitaire entre les genres.


Malgré cela donc, certaines personnes préfèrent le mot humaniste afin de témoigner qu'ils sont en faveur de l'humain, de l'égalité entre les personnes, au-delà des différences (qu'ils ne voient pas, eux).

Reprenons à nouveau notre bon vieux dico.


Humanisme : " Philosophie qui place l'homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs. "

Mais aussi : " Mouvement intellectuel qui s'épanouit surtout dans l'Europe du XVIe siècle et qui tire ses méthodes et sa philosophie de l'étude des textes antiques. "

L'humanisme, un retour aux sources


Etre humaniste, c'était, à la Renaissance, replacer l'être humain au centre de sa destinée, notamment en opposition avec des années de croyance religieuse plaçant Dieu comme La puissance suprême qui régnait en maître sur le destin des humains. Le mouvement intellectuel humaniste place au cœur de ses valeurs entre autres le développement intellectuel pour tous.tes, la recherche de l'épanouissement, tout en se basant sur les textes antiques comme base de réflexion (Platon notamment).

Né en Italie, le mouvement s'étend à toute l'Europe et prône un réel retour aux sources : les intellectuels de l'époque s'attachent à traduire des anciens textes grecs pour en retrouver la substance et le sens originels et proposent une nouvelle manière d'éduquer les enfants, loin de la violence physique qui était autrefois habituelle, mais aussi dans un esprit d'équité entre les sexes.

Néanmoins, la philosophie humaniste ne s'est jamais officiellement positionnée comme prônant l'égalité entre les hommes et les femmes : si elle place l'être humain au centre de la création sans distinction de sexe, de genre ou encore de couleur de peau, elle ne se prononce toutefois jamais sur les questions de sexisme (qui existait déjà bel et bien à l'époque).


Le féminisme n'est pas un humanisme


Être humaniste, c'est donc réfléchir sur l'humain dans sa globalité, avec une réelle idée d'égalité, sans prendre en compte les disparités et les inégalités qui existent réellement. C'est une philosophie utopiste qui pourra exister lorsque nous aurons atteint l'égalité entre les genres, mais pas avant.

Le féminisme est un mouvement né pour mettre en avant les discriminations réelles subies par les personnes de sexe féminin (ou perçues comme telles dans l'espace public), pour ensuite les combattre : il faut donc bien, dans un premier temps, reconnaître les disparités et inégalités, mettre des mots dessus, pour ensuite tenter de les endiguer.

C'est précisément ce que ne fait pas l'humanisme. Si l'idée originelle est tout à fait louable, elle oublie malheureusement la diversité humaine. Etre humaniste, c'est par exemple dire, à propos du racisme : " Moi, je ne vois pas les couleurs, nous sommes tous humains." Si vous prononcez cette phrase, nous comprenons que vous n'êtes pas raciste, mais vous niez une réalité présente encore en 2020 et les discriminations faites à l'encontre des personnes racisées, et cette pensée ne réglera malgré son aspect positif et bienveillant, aucun problème.


" Je ne suis pas féministe, je suis humaniste "


Les personnes qui prononcent cette phrase ont généralement un problème avec le terme "féminisme", parce qu'il comporte effectivement des dizaines de significations et de nuances différentes. Le féminisme n'est pas un dogme, pas une religion, chacun.e peut se l'approprier et y apporter ses propres nuances. Le terme revêt aujourd'hui une notion effectivement négative car certain.es y voient une haine du genre masculin et que d'autres (une infime minorité, rappelons-le) évoquent un désir de supériorité féminine. Néanmoins, si vous référez à nouveau à la définition simple énoncée au début de cet article, vous conviendrez que le féminisme n'a rien de radical ni de violent.

Ces mêmes personnes, qui préfèrent se revendiquer humanistes donc, sont généralement gênées par l'idée d'une société systémiquement sexiste, qui discrimine ouvertement les femmes, et ont tendance à avancer que les hommes aussi subissent des violences et des discriminations.


Se dire humaniste en opposition au féministe, c'est, à mon sens, participer à l'invisibilisation du combat féministe, en le discréditant et en affirmant que la domination masculine n'existe pas. Alors bien sûr, il n'y a rien de valorisant à dire que l'on est féministe (quand on est une femme), car c'est dire : "Oui, je suis victime de sexisme et de domination masculine".

C'est toutefois encore nécessaire en 2020, peut-être plus que jamais, afin d'ouvrir le dialogue (et bien souvent le débat) pour mettre des mots, des chiffres et des réalités sur les inégalités entre les genres et ainsi, rendre, à terme, le mot et le combat féministe obsolète, pour arriver, peut-être, à un réel humanisme.


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