L'instinct maternel, ce serait LA raison pour laquelle absolument toutes les femmes aspirent à la maternité. Oui, sauf que ... Non en fait.
Quand j'ai commencé à publiquement énoncer que je souhaitais pas être mère, on m'a souvent évoqué un argument a priori IMPOSSIBLE à remettre en question, puisqu'il invoque des données biologiques et naturelles, des prédispositions présentes chez toutes les femmes : l'instinct maternel. J'ai pendant un moment cru que j'étais anormale, que j'avais éventuellement un problème physique, puisque je ne suis pas naturellement attirée par les enfants (ils ne me font ni chaud ni froid et je n'ai aucune prédisposition pour m'occuper d'eux ou les tenir dans les bras), mais surtout, parce que je SAIS que je ne veux pas être mère. Je n'en ai pas envie, pas besoin, j'ai peur d'accoucher, et en plus je ne ressens rien dans mon ventre qui me pousserait vers la maternité. Je suis aussi bien trop angoissée par l'avenir de l'espèce humaine sur Terre pour y ajouter un nouvel être humain.
Pourtant, on me répétait que ça allait venir. Bientôt 29 ans, toujours rien. Alors voilà, je me suis demandée ce qui se cachait réellement derrière cette notion d'instinct maternel.
Voici quelques unes de mes découvertes.
Tout d'abord:
"L’instinct maternel est un terme arrivé au milieu du XIXème siècle. Il représente l’état psycho-affectif d’une mère ayant une attitude protectrice et sécurisante pour son enfant."
Voilà déjà un point intéressant. Ce terme date d'il y a à peine deux siècles. Et pour cause, l'amour parental et le maternage que l'on connait actuellement (voire même la notion d'enfant-roi) n'étaient absolument pas légion il y a encore quelques centaines d'années.
Comme l'explique Elisabeth Badinter dans "L'amour en plus", au XVIIème siècle, les femmes ne touchaient même pas leur bébé; dès la naissance il était donné pendant 5 ans au moins à une nourrice. Lorsqu'on perdait un enfant (le taux de mortalité infantile étant alors bien plus élevé), on le regrettait mais on en faisait pas tout une histoire. D'où, peut-être, le besoin d'inventer l'idée d'instinct maternel pour donner aux mères le devoir de s'occuper de leur bébé ?
Françoise Héritier, célèbre anthropologue, explique également que le terme d'instinct renvoie à un comportement animal, une manière d'agir indépendante de sa volonté : c'est précisément ce qui nous différencie des animaux. Nous avons un libre-arbitre, et pouvons choisir en toute conscience, au-delà de prédispositions naturelles.
En fait, l'instinct maternel vient principalement d'une personne : Darwin. Lors de ses études sur les primates, il conclut que l'instinct maternel, à savoir l'affection d'une mère pour ses enfants et le soin qu'elle leur porte faisait partie des instincts les plus puissants qui existent. Il avait notamment pu observer un amour indéfectible des guenons et autres primates, et en avait rapidement conclu qu'il en était de même pour les êtres humains.
Pourtant, il s'agit bel et bien d'une construction sociale.
Une construction destinée à la pallier à la mortalité infantile évoquée plus haut, notamment dans des pays à la politique nataliste comme la France. Mais aussi à asseoir le rôle de la femme à la maison, à l'intérieur, au foyer, puisqu'elle serait naturellement prédisposée pour aimer son enfant et s'en occuper. Et bien oui, c'est dans ses gênes ! Au-delà d'un problème familial qui continuer d'accentuer les inégalités au sein du foyer, cette idée selon laquelle les femmes auraient naturellement envie et la capacité pour élever un enfant accentue également les disparités sociétales, par exemple dans le cadre du travail. Comment peut-on penser un jour allonger le congé paternité et le rendre obligatoire si on considère que c'est le lot féminin de s'occuper des enfants, et que le père est un complément non essentiel, dont la vocation, tournée vers l'extérieur, est de travailler et de prendre du bon temps (cela peut paraître archaïque mais quand on prend un minimum de recul, on se rend compte que cette logique perdure) ?
Là où je veux en venir, c'est qu'on est pas toutes pareilles : je ne dis pas que l'instinct maternel n'existe pas, mais je lui préfère le nom d'amour parental. Déjà, parce qu'il n'est pas genré, comme l'explique Nancy Chodorow, et parce qu'il n'existe pas chez tous.tes. Parler d'instinct maternel, encore en 2020, c'est perpétuer la vision patriarcale de notre société, en évinçant même inconsciemment les hommes du processus parental. Et surtout, c'est reléguer au rang de marginales, d'anormales, de folles à chat et de harpies les femmes qui s'épanouissent autrement que dans la maternité.