Le féminisme fait beaucoup parler de lui. Il est à l'origine de nombreux fantasmes et idées reçues. L'une d'elles consisterait à dire que les femmes féministes sont contre la galanterie, et qu'elles ne laisseraient plus la place aux hommes d'être charmants avec elles (je parle là de relations hétérosexuelles, puisque c'est dans ce cadre que le féminisme pose souvent question, dans le cadre d'un monde binaire).
A titre personnel, oui, je suis contre la galanterie, et j'aimerais prendre le temps de vous expliquer pourquoi.

Historique de la galanterie
Si l'on s'en tient à sa simple définition, la galanterie représente les marques de politesse empressées envers les femmes. Il s'agit là d'une attitude sexuée, qui prend cours dans les relations hétérosexuelles : si c'est la femme qui la reçoit, c'est bien l'homme qui la pratique.
Elle naît avec l'amour dit courtois au Moyen-Age, qui était une manière, vers le 12ème siècle, d'aimer avec politesse et respect dans le but d'atteindre un bonheur commun dans l'amour. Il s'agit, à cette époque, de normer et s'assainir les relations amoureuses en créant un jeu de séduction tout en retenue : les hommes retiennent leurs pulsions (interprétation de l'amour courtois par Georges Duby), séduisent les femmes de la bourgeoisie qui sont perçues comme des trophées, qu'il faut à la fois conquérir et choyer. A cette époque, comme l'explique le sociologue Alain Viala (auteur de La France galante), le non est largement compris et respecté, et le terme de galanterie a perdu tout son sens originel pour devenir ainsi genré.
La galanterie revêt aujourd'hui plusieurs degrés, à mon sens : il peut s'agir d'une simple forme de politesse, comme le fait de tenir la porte à une femme, ou de lui laisser sa place dans les transports, sans attendre quoi que ce soit en retour. Néanmoins, la galanterie prend aussi sa place dans un processus de séduction, ne soyons pas dupes. Un homme est avant tout gentil pour nous conquérir, quitte à en faire un peu trop au début.
Enfin, la galanterie peut également aller beaucoup plus loin: si encore aujourd'hui, il peut être de coutume qu'un homme paie le restaurant lors d'un rendez-vous, il n'est pas rare que cette démonstration galante attende son lot de compensation, que ce soit dans l'imaginaire masculin ou féminin. Un homme peut s'attendre à ce que sa conquête le remercie d'une manière ou d'une autre, tandis que la femme peut se sentir redevable et alors se trouver en position de faiblesse jusqu'à accepter certaines choses dont elle n'aurait pas nécessairement envie, mais plutôt parce que "c'est comme ça que ça fonctionne".
La scission a pu s'opérer au 18ème siècle, à cause d'intellectuels comme Jean-Jacques Rousseau (un éminent misogyne, au demeurant), qui considéraient que la galanterie faisait accorder trop d'importance à l'esprit et au jugement des femmes.
Il n'est pas rare de s'entendre dire que certains hommes sont perdus : ils ne savent plus s'ils doivent être galants envers les femmes, de peur d'avoir l'impression d'être perçus comme des harceleurs ou, tout simplement, des gros lourds.
Le problème ne pouvait pas tomber plus à côté.
Galanterie VS Politesse
Comme énoncé plus haut, la galanterie est donc une forme de politesse.
Pourquoi serait-il nécessaire de sexuer la bienséance entre les êtres humains ?
Je trouve cela agréable lorsqu'un homme me tient la porte, mais pas parce que c'est un homme, seulement parce qu'il est poli avec moi. Je peux, à mon tour, tenir la porte à une femme envers qui je n'ai aucune arrière-pensée sentimentale, tout comme un homme peut laisser sa place à un homme dans le métro, simplement par politesse, sans jeu de séduction. De même, je suis tout à fait à l'aise avec le fait que l'on me fasse un compliment, je trouve cela flatteur (sauf lorsque c'est suivi d'un "salope" en pleine rue, bien sûr). Et même avec le fait qu'on m'invite au resto (serais-je une fausse féministe?) !
Limiter ce type de politesse à des rapports sexués, c'est, à mon sens, entretenir une forme de sexisme au quotidien. Je m'explique. Qui dit galanterie, dit image virile de l'homme. Eh oui. Un homme, ça séduit, ça se comporte bien avec les dames pour les attirer dans leur lit, quitte à écraser ses concurrents. L'homme est le conquérant.
En fait, la galanterie de la tradition française est dépassée et elle doit, comme la société, évoluer : personnellement, et je sais que de nombreuses personnes seront d'accord, je ne suis pas attendrie par un homme qui me tire la chaise au restaurant (allons, même plus loin, je m'en fous mais d'une force...), mais plutôt par celui qui me propose gentiment de m'inviter au restaurant, tant que cela n'est pas assorti d'une forme de sexisme et qu'il accepte que cette invitation est à charge de revanche (la prochaine fois, c'est moi quoi).
Je vomis les fleurs offertes avec un grand sourire par les grandes enseignes le 8 mars, j'aimerais voir plus d'hommes défendre VRAIMENT les féminicides et autres violences faites aux femmes.
D'ailleurs, en 2016, Meetic commandait une étude sur la galanterie : on y apprend que 88% des françaises sont en faveur de celle-ci. Parmi les choses qui nous tiennent apparemment le plus à cœur : se faire raccompagner, nous introduire lorsque l'homme avec qui on sort croise une connaissance, et ne pas se faire interrompre quand on parle.
Cela sert à merveille mon propos : ce n'est pas de la galanterie, mais de la politesse, des règles de bienséance de vie en communauté.
Alors, non être contre la galanterie, ce n'est pas vouloir une égalité totale et parfaite entre les sexes, c'est plutôt vouloir mettre fin à une construction sociale sexuée qui met, encore et toujours, sous tutelle la femme, physiquement (la veste sur les épaules, comme signe d'appartenance) mais aussi économiquement (les invitations forcément payées par Monsieur). C'est assainir nos relations entre humains, tout comme le mentionnait la définition initiale de la galanterie moyen-âgeuse.