Je suis membre d'une dizaine de groupes liés à l’écologie, au végétarisme et au zéro déchet sur Facebook. Et dès que je lis une publication, une chose me frappe en particulier : c’est une femme qui l’écris. Dès que je lis les commentaires, là encore, ce sont presque exclusivement des femmes qui partagent leurs conseils. Les hommes sont les grands absents de ces groupes qui ont vocation à réduire l'empreinte carbone des foyers, dont ils font pourtant partie.
Le zéro déchet, une affaire de femmes ?
La dernière fois, j’ai vraiment tilté : une femme demandait des conseils parce que son mari adoooooore l’eau gazeuse et qu’elle refuse de continuer à acheter de l’eau en bouteille. Elle se torturait l’esprit à trouver une alternative, par exemple pour des bouteilles en verre mais n’en trouve pas près de chez elle, ou pour une machine mais chère, etc … elle disait que son mari n’était pas ouvert au changement donc c’est elle qui se décarcasse pour que monsieur daigne changer ses habitudes. J'ai simplement suggéré qu'il trouve lui-même une solution ou qu'il boive de l'eau du robinet. Que n'avais-je pas dit là !
Etant donné qu’encore en 2020, 73% des femmes estiment faire plus de taches ménagères que leur conjoint en France, contre seulement 16% des hommes, et que le déséquilibre liée à la charge mentale et la gestion du foyer reste une réalité en France, voir une majorité de femmes sur ces groupes pour trouver des alternatives au zéro déchet n'a rien de très surprenant finalement.
Selon le site statista.fr, dans l’union européenne 79% des femmes cuisinent chaque jour contre 34% des hommes.
Pour la France seulement, 80% des femmes font des tâches ménagères quotidiennes contre 36% des hommes, les chiffres datent de 2018 (et après on me dit que l'égalité est atteinte, LOL).
Sauf que maintenant, on vient voir s’y ajouter des enjeux écologiques : je le vois clairement à titre personnel dans mon foyer. C’est moi qui encourage de passer au shampoing solide, au savon, d’acheter en vrac (et qui marche 20 minutes pour aller au seul magasin vrac de mon quartier), de faire des cosmétiques soi-même etc … Et du coup, c’est moi qui le fait à 100% (au temps pour moi, mon mari m'a accompagné ... une fois, et ça avait tout l'air d'être un supplice pour lui). Pourtant, le magasin en vrac est à 15min à pieds de chez moi contre 5 pour le supermarché classique, et je dois prendre des bocaux et contenants qui sont donc moins pratiques. Je dois anticiper les produits vide, laver les contenants, etc … Bref, c’est chiant mais je le fais parce que je crois à l’avenir du vrac et du zéro déchet.
Quand le zéro déchet entrave le féminisme
Seulement, moi, je vis en couple avec mon mari et mon chat. Je n’ai pas d’enfant à gérer, pas de planning à rallonge. Je suis en auto-entreprise avec un boulot à mi-temps de 30 heures / semaine, mon mari en CDI à 38h. J’ai le temps. Si on a la flemme, on se commande à manger car nous n'avons pour responsabilité que nous-mêmes et que la nourriture équilibrée, parfois, on s'en tamponne.
Alors j’imagine bien que, déjà qu’une femme qui bosse avec des enfants se coltine le ménage et la cuisine le soir la plupart du temps, et que quand elle bosse pas on lui dit qu’elle a le temps cette grosse feignasse, forcément, les inégalités s’exacerbent.
Slate avait d’ailleurs publié un article en août 2019 à ce sujet : “Comment l’impératif écologique aliène les femmes?”
C’est a priori indéniable : l’écologie préoccupe moins les hommes que les femmes. Pourquoi ? Certainement parce que nous avons grandi, en tant que femmes, avec cette idée que nous devions être tournées vers l’extérieur, que nous devions prendre soin du monde (cf les métiers dits du care qui sont majoritairement occupés par des femmes), que l’altruisme était une de nos facultés biologiques. Autant de constructions sociales qui nous rendent responsables.
Et surtout, ces problématiques écologiques sont liées à un autre sujet : tandis que nos grands-mères se battaient pour sortir de la cuisine et du foyer, nos préoccupations à vouloir réduire le plastique et tout ce qui est nocif pour la santé de nos familles nous repousse inexorablement à l’intérieur. Eh oui, faire son pain, sa lessive et son savon maison, ça prend du temps. On a l’impression de se battre contre le capitalisme, contre les multi-nationales, mais on reproduit un schéma archaïque en même temps.
Alors la question est : féminisme et zéro déchet sont-ils compatibles ?
D’une part, je pense que la prise de conscience et la réflexion à ce sujet sont primordiaux pour désamorcer la création de nouvelles inégalités.
On parle d’écoféminisme, ce qui implique que l’écologie et le féminisme sont compatibles et doivent même l’être.
Le courant écoféministe considère qu'il existe des similitudes et des causes communes entre les systèmes de domination et d’oppression des femmes par les hommes et les systèmes de surexploitation de la nature par les humains (entraînant le dérèglement climatique et le saccage des écosystèmes). En conséquence, l'écologie nécessiterait de repenser les relations entre les genres en même temps qu'entre les humains et la nature (source Wikipédia).
Seulement, le féminisme est encore vu comme un combat en dehors des autres, il n’est pas spécialement politisé ou mis en lien avec des problématiques sociales, politiques ou économiques, même si les gouvernements commencent à comprendre l’impact du féminisme dans le combat politique.
Pour moi, ce n’est pas incompatible si l’on efface peu à peu les clichés liés aux genres. L’effacer, c’est donc combattre la société patriarcale et les clichés sexistes au quotidien, pour que les préoccupations écologiques ne soient plus vues comme naturellement féminines. Il paraît primordial de politiser l'écologie. La politiser réellement, en arrêtant de la cantonner à un parti politique. Cela permettrait peu à peu que tout le monde se sente réellement concerné, peu importe leur genre. De même qu'il faut politiser le féminisme, pour que la charge mentale soit enfin équitablement répartie au sein des foyers (hétérosexuels).