73% des femmes ont déjà subi des cyberviolences dans le monde.
Plus de 76% des personnes ayant subi du cyberharcelement ont modifié leur manière d'utiliser les plateformes en ligne où elles ont été violentées et 32% ont cessé d'y exprimer leur opinion.
24% ont déclaré avoir eu peur pour la sécurité de leur famille.
Hier matin, j'ai assisté à la diffusion en avant-première du document Sale pute, réalisé par Florence Hainaut et Myriam Leroy, deux journalistes belges qui ont elles aussi subi du cyberharcèlement. Grâce à elles, nous partons à la rencontre de ces femmes, de tous âges, tous statuts, toutes couleurs de peau et toutes nationalités, que l'on veut silencier, parce qu'elles élèvent leur voix et prennent de la place sur internet.
Ces femmes, vous les connaissez. Elles sont journalistes, youtubeuses, influenceuses, autrices, podcasteuses, animatrices de télévision. Elles exercent un métier qui consiste à se montrer publiquement en ligne ou sur les plateaux de télévision.
Et cette activité, qui n'est parfois même pas politisée (à l'instar de Manonolita, streameuse de jeux vidéos sur Twitch, qui a porté plainte à plusieurs reprises pour cyberharcèlement), est apparemment suffisante pour recevoir des insultes, par centaines voire milliers, mais aussi des menaces de mort ou de viol.
Ce documentaire, criant de vérité est d'une clarté, d'une concision et d'une pertinence incroyables. En une heure, on met le doigt là où ça fait mal. En effet, plusieurs problèmes sont ici pointés du doigt :
Le fait que la société civile mais aussi le système judiciaire semble ne pas comprendre que les personnes qui cyberharcèlent sont de vraies personnes, qui ont un impact REEL sur la vie des personnes harcelées. Le cyberharcèlement provoque des angoisses, des peurs et des risques qui sont bien réels. Nadia Daam en est la preuve vivante, elle témoignage dans Sale pute sur son année de descente aux enfers, et sur les menaces qui ont été proférées à son égard et celui de sa fille alors même qu'elle dénonçait en 2017 dans une chronique le harcèlement et le sexisme. Alors qu'elle se moque du forum 18-25 ans à la radio, elle reçoit une vague de cyberharcèlement qui amène les agresseurs à retrouver son domicile ainsi que l'école de sa fille, âgée alors de 13 ans. Malgré une plainte et une condamnation, Nadia Daam continue de recevoir des menaces de mort.
Des attaques qui ne sont pas prises au sérieux : un autre problème à noter est le fait que l'on marginalise beaucoup trop les cyberharceleurs, comme on marginalise les violeurs. Pourtant, comme l'explique le documentaire, il faut arrêter de penser que les cyberharceleurs sont des incels frustrés, des fous, des puceaux à qui ça passera, ou encore des personnes marginales qui font ça pour rire. Ces agresseurs FONT SYSTEME parce qu'ils sont la société. Ce sont nos fils, nos voisins, nos banquiers, nos professeurs.
Le but n'est pas dit clairement : encore aujourd'hui, on considère beaucoup trop qu'il s'agit de personnes insouciantes qui font ça pour rire, qui ne se rendent pas compte de l'impact de leurs actes, qui se font embrigader par des hommes plus influents qui lancent des raids. Il n'y a rien de plus faux. Les raids de cyberharcèlement à l'encontre des femmes, les raids misogynes et sexistes donc, ont bien et bien l'objectif politique de nous silencier, de nous faire peur, de nous faire taire et d'imposer un modèle encore profondément patriarcal. Force est de constater que cela fonctionne (rappelez-vous des chiffres cités au début de l'article). Lauren Bastide, animatrice, podcasteuse et autrice, a fermé un compte Twitter suivi par plus de 60 000 personnes pour ces raisons, Nadia Daam ne parle plus de ses opinions sur internet par peur que cela recommence.
Enfin, il est important de se rendre compte que les réseaux sociaux n'ont aucune ambition de nous protéger, de nous soutenir et de faire taire les agresseurs. La haine est leur gagne-pain et elle fait partie du business model de ces plateformes, comme l'explique d'une sociologue interrogée dans le documentaire.
Oui, le patriarcat est la cause de l'invisibilisation des femmes, et le cyberharcèlement est la suite logique du désir de faire disparaître les femmes qui prennent leur place et font entendre leur voix.
Ce documentaire, Sale pute, est difficile à voir. Il relève et met en avant le caractère systémique de ces actions, que l'on veut encore trop faire passer pour des cas isolés.
Ce documentaire, il met la rage au ventre, il donne envie de crier pour celles qu'on frappe, qu'on tue, qu'on effraie et qu'on silencie. Il est une arme de destruction massive du patriarcat.
Car comme dirait une personne dont je ne me souviens pas, "Le pouvoir des hommes, c'est la patience des femmes" : nous avons assez enduré, nous avons assez attendu patiemment que l'égalité et le respect nous soit donné, poliment, gentiment. En retour, nous recevons des menaces de mort, alors franchement, autant aller tout cramer.
Le documentaire Sale Pute sera disponible en Mai sur la RTBF, je vous tiendrai au courant sur mon compte Instagram @jeneveuxpasdenfant dès que vous pourrez le visionner !
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