Sur mon compte Instagram @jeneveuxpasdenfant, je vous ai partagé ce petit test pour savoir à quel mouvement féministe vous appartenez, ou en tous cas où vous placez votre sensibilité. En effet, certains mouvements féministes ne s'opposent pas et parfois se complètent. Or, vous avez été nombreux.ses à m'indiquer ne pas savoir clairement à quoi font référence tous ces termes.
Voici donc une rapide définition des divers mouvements féministes.
Le féminisme essentialiste (ou différentialiste)
L'essentialisme consiste à considérer les différences biologiques comme centrales pour penser le féminisme, et qu'elles sont plus importantes que le genre. Il existerait donc des spécificités féminines et des spécificités masculines, et l'essentialisme prône ainsi le droit à la différence. Ce courant prétend à une utilisation harmonieuse des différences dans une complémentarité égalitaire.
Il s'oppose en cela au féminisme dit universaliste.
Ce mouvement a été défendu par les théoriciennes Lucie Irigaray, Antoinette Fouque, Nancy Huston et Sylviane Agacinski.
Aujourd'hui, l'essentialisme est une réflexion utilisée dans les mouvements TERF (trans exclusionary radical feminists) presque exclusivement, les autres groupes féministes étant majoritairement d'accord sur l'impossibilité de l'essentialisme, qui voudrait en fait définir ce qu'est "la femme" en limitant énormément les possibilités.
Le féminisme universaliste
C'est Simone De Beauvoir qui ouvre la voie du féminisme universaliste dans les années 1950-60.
Pour résumer, l'universalisme postule que la différence biologique ne peut pas expliquer les inégalités et la hiérarchie.
Les différences sont expliquées culturellement (on peut prendre l'exemple du choix des études et des métiers, des goûts pour le sport, les couleurs, etc ...) et il faut donc modifier la socialisation pour mettre fin aux stéréotypes de genre.
Les féministes universalistes sont souvent des femmes blanches, cisgenres, valides, assez bourgeoises, comme c'est le cas de Elisabeth Badinter ou de Benoîte Groult. Quand juste après #MeToo, Catherine Deneuve et consorts avaient publié une tribune défendant le "droit d'importuner", cela s'apparente au féminisme universaliste.
C'est aussi le féminisme le plus partagé en France, il est assez mainstream.

Le féminisme matérialiste
Selon moi, ce féminisme est très similaire à l'universalisme, mais il est peut-être plus utilisé par les féministes marxistes mais aussi dans les milieux universitaires. Théorisé par Christine Delphy (une des fondatrices du MLF), le matérialisme s'est ainsi développée au sein du MLF (Mouvement de libération des femmes) dans les années 1970.
Il prend la suite de la fameuse citation de De Beauvoir "On ne naît pas femme, on le devient" pour expliquer que les catégories sociales "femme" et "homme" sont des catégories sociales construites, mais aussi mouvantes, qui évoluent au fil du temps. Ces catégories sont pensées, comme pour le modèle marxiste, comme des classes sociales, et la classe des hommes exploite la classe des femmes.
Parmi les matérialistes, on compte Nicole Claude-Mathieu, Paola Tabet ou Monique Wittig.
Le féminisme radical
Au départ, le mot radical signifie simplement de prendre le problème à sa racine et le féminisme radical propose d'aller plus loin que l'universalisme, trop "mou". Une vive critique de la famille, du mariage, du couple, se met en place, pour mettre en avant les ancrages profonds du patriarcat, qui persistent malgré une avancée en droits (vote, contraception, IVG, etc ...).
Aujourd'hui cependant, le féminisme radical fait aujourd'hui principalement références aux militantes anti-sexe, à savoir anti-pornographie et anti-prostitution.
En effet, pour elles, ces deux pratiques sont du viol tarifé (c'est une expression que vous lirez souvent dans ce milieu).
Les féministes anti-sexe les plus connues sont Andrea Dworkin (qui a été travailleuse du sexe quand elle habitait aux Pays-Bas) et Catharine MacKinnon. Le collectif Osez le féminisme appartient également à cette tendance. Ainsi, pour Céline Piques, directrice du collectif, la pornographie ne serait que le miroir de la société patriarcale qui considère que les femmes doivent rester à leur place, être dégradées (cf son livre Déviriliser le monde, paru en 2022).
Le féminisme intersectionnel
Kimberlé Crenshaw utilise ce terme pour la première fois en 1989 dans un article, qui vient critique le féminisme universaliste mainstream qui a tendance à penser les femmes comme un groupe homogène.
L'objectif est de montrer les croisements et les accumulations que peuvent subir les femmes qui sont noires. On a ensuite extrapolé le concept pour parler d'intersection entre genre, race, classe, âge, etc ...
L'intersectionnalité propose ainsi de croiser les réflexions entre sexisme, racisme, anticapitalisme. Elle se nourrit donc ainsi des mouvements afro-féministes. Aujourd'hui, elle permet aussi d'inclure les combats LGBTQIA+, personnes qui ont pendant longtemps été oubliées du féminisme mainstream.
Parmi les figures majeures, on compte également bell hooks, Angela Davis, Françoise Vergès ou Rokhaya Diallo.
NB : On préférera quand on est une personne blanche, parler de convergence des luttes, pour éviter de s'approprier un terme initialement créé par et pour les personnes racisées.
L'écoféminisme
L'écoféminisme est un mouvement théorisé par Françoise D'Eaubonne en 1974 qui permet d'établir des liens entre la domination capitaliste de l'être humain sur la nature et des hommes sur les femmes. Je vous en avais déjà fait une définition complète dans cet article intitulé Qu'est-ce que l'écoféminisme.
Evidemment, la liste n'est pas exhaustive et certains mouvements s'entrecroisent. Il existe également un féminisme queer (théorie queer), un féminisme pro-sexe, etc ...
Sources:
https://www.tdg.ch/_external/interactive_wch/tdg/2019/feminisme/differentialiste.html
https://www.linflux.com/monde-societe/politique/quels-courants-didees-dans-le-feminisme-1-2/
http://www.relais-femmes.qc.ca/FADAFEM/pdf/tableau.pdf