Il y a quelques semaines, le journaliste Mathieu Palain publiait Nos frères, nos pères, nos amis : dans la tête des hommes violents, une immersion de plusieurs années au sein de groupes d'hommes condamnés pour violences conjugales.
La parution de cet ouvrage d'enquête, qui fait suite au podcast initié par Mathieu "Des hommes violents" sur France Culture, n'a pas laissé de marbre nombre de féministes. Personnellement, si je suis assez friande de blague misandres, je suis aussi friande des hommes qui dédient 3 ans de leur vie à nous montrer à quel point la justice française est mauvaise, sexiste et insuffisante. Mais pour m'assurer que mon instinct est bon, j'ai lu le livre. Je viens de le terminer et je vous propose donc mon analyse.
Les hommes violents sont un point aveugle de notre société
Voilà une des phrases qui a déplu à pas mal de féministes. Comment ça, aveugle ? "Nous, personnes sexisées, féministes, on dénonce ça depuis des années ! C'est vous qui êtes aveugles!" Oui, je suis d'accord, mais quand Mathieu Palain écrit qu'il "est passé à côté du sujet" des violences masculines depuis dix ans de journalisme, ou que la violence conjugale est "un point aveugle de nos sociétés", il a raison. Il parle en tant qu'homme blanc, cisgenre, valide, qui n'a jamais eu, s'il n'en a pas eu l'envie ou l'occasion, à se soucier du drame que sont les violences masculines infligées aux femmes. Je comprends que ce propos dérange, voire choque, mais il n'est que la vérité : si en France, plus de 100 femmes meurent chaque années sous les coups de leurs conjoints, c'est précisément parce que les violences conjugales, la société s'en fiche, à part les féministes.

Qui s'intéresse au sujet ?
Difficile de dresser avec certitude le portrait des lecteurs et lectrices d'un tel ouvrage. Pour essayer de me faire une idée, j'ai balayé quelques sites de vente de livres ou de recension, comme la Fnac ou Babelio. Sur les 7 avis pour l'instant laissés sur le site de la Fnac, on compte seulement un prénom plutôt masculin pour six prénoms dits féminins. Sur Babelio, le ratio semble être le même, bien que les pseudos ne permettent pas toujours d'identifier le genre des personnes laissant un avis.
C'est, pour moi, là que le bât blesse. En effet, un livre, c'est un objet inaccessible, de par son pris (20 euros, c'est beaucoup) mais aussi par son emplacement : les librairies, beaucoup de gens n'y vont pas. Mathieu Palain avait déjà parlé du sujet dans un podcast, mais là encore, beaucoup de personnes n'écoutent pas une chaîne comme France culture, car c'est trop élitiste. Pourtant, le journaliste a vraiment fait l'effort d'emprunter une écriture blanche, jamais pompeuse, et pour cela je l'en remercie. Malgré cela, il y a fort à parier que ce sont une majorité de femmes qui ont pour l'instant, acheté son livre. Personnellement, je vais mettre un point d'honneur à le faire lire à mon entourage masculin, mais quand même, j'apprécierai que mes congénères masculins mettent 20 balles de temps à autres pour s'instruire sur le sujet.
Mathieu Palain aurait-il pu faire mieux ?
Assurément, oui. Parce qu'on peut toujours faire mieux, parce que rien n'est parfait, cela va sans dire. Au niveau de l'écriture, du traitement du sujet, de son engagement, je pense sincèrement qu'il tape dans le mille. L'auteur nous offre en effet un élément qui se fait TRES rare chez de nombreux auteurs masculins : la subjectivité, le vécu personnel. Si les femmes sommes souvent conviées à témoigner, à mettre en perspectives nos vécus, les hommes qui écrivent oublient souvent leur subjectivité, c'est-à-dire ici le fait qu'ils sont des sujets, qu'ils ont donc des biais. L'auteur se questionne sur ses propres agissements sexistes, il prend également conscience de son privilège d'homme blanc qui a eu le droit, pendant des années, de ne pas s'intéresser aux violences masculines, parce qu'il n'en a jamais souffert vraiment.