La paternité traditionnelle est dans l'impasse. La paternité moderne se cherche.
Christine Castelain-Meunier
Christine Castelain-Meunier est sociologue ainsi que l'autrice de nombreux ouvrages dont "L'instinct paternel", paru en Octobre 2019. Dans ce livre, elle explique entre autres pourquoi l'instinct paternel a longtemps été oublié et raillé et pourquoi il pourrait bien revenir au devant de la scène. Elle se pose en spécialiste de la question du masculin et du féminin et de leurs rôles bien ancrés dans la société.
Alors, si l'égalité entre les sexes se résumait à cette question de congé paternité ?
Vous n'êtes peut-être pas sans savoir qu'aujourd'hui, celui-ci est de seulement 11 jours officiels en France, alors que la mère a droit à six semaines en prénatal, suivies de 10 semaines de congé maternité. Pourquoi parle-t-on de congés parentaux sur la newsletter de Je ne veux pas d'enfant, pensez-vous peut-être à cet instant précis ? Parce que les différences que l'on note à cet endroit fait partie des problématiques qui persistent pour une égalité totale entre les sexes. Pensons-y deux minutes : le fait que la mère soit systématiquement celle qui reste à la maison tandis que le père n'y est pas obligé (et ne reçoit pas de soutien légal ou financier pour le faire), entraîne une réaction boule de neiges dans de nombreux domaines.
Lors d'un entretien d'embauche, à compétences égales, un homme aura plus de chances d'être embauché s'il a entre 28 et 33 ans, âge auquel on attend généralement des femmes de tomber enceinte (selon une enquête belge, 38% des signalements en matière d’emploi concernaient la discrimination relative à la grossesse et à la maternité, ce qui montre à quel point les employeurs sont frileux à ce sujet).
Elles auront aussi moins tendance à être prises en compte lors de potentielles évolutions de carrière : " On ne te propose pas le poste car tu n'auras plus le temps pour ta famille " " Mais enfin, comment vas-tu concilier ta vie de famille et ta carrière ?! " " Ah, mais tu ne veux pas d'enfant ? " Autant de préoccupations que l'on a rarement lorsqu'il s'agit d'un homme qui doit prendre une place de dirigeant et mettre de côté sa famille.
C'est également les femmes qui doivent partir plus tôt du travail, demander de prendre leur matinée pour aller chez le pédiatre, tout simplement car c'est encore majoritairement elles qu'on appelle depuis l'école lorsque leur enfant a un problème. Comme si le père ne pouvait pas être dérangé.
Il en découle que les femmes sont majoritaires dans les emplois précaires: en 2018, le Ministère du travail en France sort une étude sur le sujet. 26,6% des salariés français ont connu des périodes de précarité dans leur carrière, et il s'agit à 62% de femmes. Elle vont aussi plus facilement se tourner vers des emplois à temps partiel, afin de mieux gérer leur vie professionnelle et vie de famille. En effet, parmi les femmes salariées en France, 30,7% d'entre elles le sont à temps partiel, contre 7,8% des hommes. Si le travail à temps partiel peut être complètement choisi, il est souvent subi, pour aménager une vie familiale qui prend de la place et que les femmes sont plus nombreuses à assumer. Si des modifications venaient à arriver, comme par exemple une séparation ou un divorce, les femmes se retrouvent donc plus facilement dans une situation économiquement difficile.
Ne pas souhaiter d'enfant n'empêche pas de se sentir concerné.e par les problématiques qu'engendre l'inégalité du congé maternité / paternité. D'ailleurs, je souhaitais terminer cette newsletter avec la tribune mise en place par plusieurs pères de famille présents sur Instagram, dont le but est d'augmenter la durée minimale du congé paternel en France : si vous connaissez des pères, vous pouvez leur demander de témoigner afin qu'elle prenne de l'ampleur !
PS: je cherche des témoignages masculins concernant le féminisme, le désir ou non d'enfant, la contraception, le fait d'assumer ou non d'être childfree ... Si vous en connaissiez ou si vous êtes intéressé, écrivez-moi sur Instagram @jeneveuxpasdenfant !