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Mon avis sur la cancel culture

Cela fait longtemps que j'avais envie d'écrire sur le sujet mais j'avais l'impression de ne rien écrire de réellement pertinent. J'ai enfin pu mettre en ordre mes idées pour vous donner mon avis sur la cancel culture. Spoiler, je ne suis ni complètement pour, ni complètement contre. Je pense qu'on ne s'y prend pas très bien et qu'il y a des choses intéressantes à garder concernant les débats actuels liés à cette pratique.


Mais avant de vous exposer mon avis plus en détail, revenons rapidement sur la définition du terme cancel culture. Aussi appelée culture de l’annulation, ou culture de la dénonciation (call out culture), la cancel culture est le fait de dénoncer, de boycotter publiquement une organisation, une entreprise, un média ou encore une personnalité publique après que cette dernière ait tenu des propos problématiques sur divers sujets. Cela peut évidemment passer par un lynchage publice ou du cyberharcèlement. Dans le milieu des réseaux sociaux, au sein duquel j’évolue au quotidien en tant que créatrice de contenus féministe, la cancel culture est partout. Elle est usante au quotidien, mais elle a aussi ses mérites.

Voici donc quelques pistes qui, à mon sens, méritent donc d'être prises en compte concernant le débat sur la cancel culture.


Le risque de négationnisme


La cancel culture présente des risques, comme l'explique Rachel Khan dans son livre Racée paru récemment. En effet, le risque est donc celui de gommer certains mots, idées, concepts, et de les remplacer par des idéologies.

Il y a quelques semaines, c’est par exemple le dessin animé Blanche-Neige qui était pris pour cible sur internet notamment à cause du baiser final du Prince, qui embrasse Blanche-Neige alors qu’elle est endormie et donc non consentante. Beaucoup de journalistes et de personnalités problématiques ont complètement détourné le propos (exemple du tweet de Robert Ménard) de cette réflexion féministe, qui avait simplement pour but de dénoncer le sexisme et le non consentement de cette scène, sans pour autant prôner que la dite scène disparaisse du film. Bien sûr, si cela avait été le cas, il s'agirait d’une volonté d’effacer tout un pan de l’histoire, puisque Blanche-Neige est un dessin animé historique et connu internationalement.

Heureusement, ce n’était pas vraiment l’intention de cet acte de cancel culture : comme l’explique à plusieurs reprises Iris Brey dans son livre Le regard féminin, le but est plutôt de pointer du doigt le sexisme latent et omniprésent dans notre société et notamment dans le milieu du cinéma afin de le reconnaître et de l’admettre, pour ensuite faire de la pédagogie et proposer autre chose sans pour autant supprimer toutes les œuvres problématiques.


Le besoin de reconnaître les erreurs passées


Changeons de sujet. Je suis en faveur du déboulonnage des statues de dictateurs, d'esclavagistes ou de personnalités problématiques, mais pas pour les faire disparaître totalement. Une de mes amies travaille au sein du musée de l'Afrique centrale à Bruxelles, qui a pendant longtemps permis de montrer la puissance de Léopold II, ancien roi belge qui était au pouvoir lors de la colonisation du Congo et dont de nombreuses actions sont esclavagistes et racistes. Le musée a récemment décidé d'entreprendre une réflexion décoloniale (loin d’être parfaite, soyons clair.e.s, mais qui a au moins le mérite d’exister). De nombreuses statues ont été déplacées, l'entrée du musée a été modifiée, mais il existe une salle au sein du musée où l'on peut avoir une idée du passé colonial de cet endroit, et c'est à mon sens très important pour comprendre les enjeux historiques liés à l'histoire coloniale de la Belgique.

Ainsi, je suis clairement en faveur du déboulonnage des statues, mais seulement si elles s'accompagnent de pédagogie. Faire disparaître des pans entiers de l’Histoire, c’est à mon sens prendre le risque d’oublier les horreurs commises par des hommes et peut-être, prendre aussi le risque que ces horreurs se répètent.


La cancel culture peut s’avérer utile à l’échelle étatique, si elle permet aussi à des gouvernements de se repentir (poke le gouvernement français sur la colonisation, on attend toujours) parce qu’il est acculé par une demande citoyenne forte et pressante. Mais ces gouvernements doivent éduquer leur population à l’Histoire de leur propre pays, tout comme l’école se devrait d’être un relais objectif et fiable pour montrer les aspects les plus sombres de son pays.


Cancel culture et tribunal moderne


Évidemment, cette pratique a aussi ses conséquences néfastes, et je le remarque régulièrement sur les réseaux. A mon échelle de créatrice de contenus et militante féministe sur Instagram, je remarque que le risque de se faire “cancel”, boycotter, lyncher, peut parfois générer de l’angoisse, et m’empêcher de poster sur un sujet, par peur du retour de bâton. La cancel culture est étroitement liée à cette pureté militante que l’on devrait avoir en tant que personne qui prend la parole publiquement. C’est évidemment impossible : on ne peut pas tout savoir, on ne peut pas ne froisser personne quand on s'exprime sur des sujets “chauds” au quotidien comme l’anti-racisme, l’anti-capitalisme, les lgbtqiaphobies, le sexisme, le féminisme …

A ma petite échelle donc, j’ai peur que cette culture de la dénonciation censure des personnes qui veulent bien faire mais qui sont maladroites (comme je peux l’être parfois), face à une vague de personnes anonymes qui oublient parfois qu’il y a de vraies personnes derrière les comptes Instagram.


Heureusement, je remarque aussi souvent l’intérêt positif de certaines actions qui permettent de soulever des scandales (notamment grâce aux divers comptes “balance ton/ta” sur Instagram) et qui servent aussi de garde-fous sur la toile et dans notre société.

Vous l’aurez compris, il y a du bon, du mauvais. Personnellement, j’évite d’avoir recours à ce mécanisme ou j’en limite son usage, en essayant toujours, au préalable, de prendre du recul sur les conséquences potentielles et probables de mon action.


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