Non, je n'ai pas besoin d'ancrage. L'immobilisme me fait peur et m'ennuie. Dans une société qui prône la stabilité, où l'achat d'un bien immobilier, d'un CDI et d'une famille bien définie, j'ai parfois l'impression de me sentir étouffée.
Et pourtant : je suis mariée avec un homme, et nous avons acheté un appartement à Bruxelles (que nous mettrons certainement en location dans quelques années, quand nous aurons envie de déménager). Ces deux décisions ne m'ont pas spécialement effrayées, mais elles ne m'ont pas spécialement rassurées non plus. Avoir un appartement à moi, me donne parfois l'impression qu'il faut acheter, toujours acheter, pour le remplir, alors que j'aspire à un ascétisme matériel certain.
Pourquoi écrire cet article ?
Parce que la semaine dernière, j'ai démissionné d'un emploi en CDI, pour tenter, de vivre un peu plus comme je l'entends. Quand je suis entrée dans le monde du travail il y a 8 ans, je n'aspirais pas vraiment à gravir les échelons au sein d'une entreprise. Je n'avais pas "d'ambition professionnelle", mis à part celle d'essayer d'être alignée avec mes envies personnelles. Je ne suis jamais restée plus d'un an au même poste, et plus d'un an et demi dans la même entreprise. Et je me suis rapidement rendue compte que le salariat n'était pas quelque chose auquel j'aspirais. Depuis plus de 5 ans, je rêve de travailler en tant qu'auto-entrepreneure, à mon rythme, et surtout, de vivre d'activités qui font sens pour moi. J'ai donc ouvert ce statut, une première fois il y a 5 ans, pour travailler en tant que rédactrice web. C'était un apport supplémentaire (200 à 300 euros par mois) à mon emploi salarié. Je savais que j'aimais écrire, mais j'ai surtout découvert il y a deux ans, que j'aimais transmettre, débattre, apporter des pistes de réflexion. La naissance de mon compte Instagram @jeneveuxpasdenfant, la publication de mon premier livre, ont permis de découvrir que oui, je voulais tenter de vivre de ma plume et de mes idées.
Parce que, plus que tout au monde, je veux me sentir libre et mobile. L'immobilité m'effraie et m'ennuie, je vous l'ai dit. Et depuis que j'ai commencé à travailler, j'ai toujours recherché la nouveauté. Non, je ne fuis rien.
Je m'épanouis dans la découverte permanente. J'ai eu la chance de vivre au Cambodge, en Thaïlande, en Hongrie, au Guatemala, en Espagne, en France et en Belgique, et j'aspire toujours à la découverte d'un nouveau pays, d'une nouvelle culture.
Cette mobilité, cette nouveauté constante, est devenue un moteur pour créer. Si je reste trop longtemps au même endroit, j'ai l'impression de ne plus réussir à penser. D'ailleurs, mon premier livre sur le désir de ne pas être parent n'aurait certainement jamais vu le jour si je n'avais pas été mobile.
Je vous raconte ma vie, mais tout cela a un sens, promis.
J'ai l'impression que le fait de ne pas avoir envie de se poser, de s'ancrer, géographiquement, amoureusement, socialement, professionnellement parlant (rayez les mentions inutiles, ou bien embrassez-les toutes d'ailleurs), est mal vu.
Que dis-je, je n'ai pas l'impression, je le sais. On m'a déjà demandé "quand j'allais m'arrêter", "quand j'allais enfin avoir envie de me poser", "quand j'allais enfin réussir à tenir un job plus d'un an", comme si cela était plus acceptable.
Je voulais donc coucher sur le papier cela, même si ce n'est pas la première fois que je le martèle : tout ceci, ce modèle familial, sociétale, ces normes, sont CONSTRUITES. Il n'y a rien d'inné là-dedans. L'être humain que vous êtes, que nous sommes, n'aspire pas naturellement à une famille hétéronormée, à une carrière linéaire et ascendante, à un cocon rassurant et routinier. Tout cela est construit, et hérité de la période du néolithique, du début de la sédentarité, créant avec elle le désir et le besoin de propriété et d'individualité.
Vous aspirez à ce style de vie ou êtes en plein dedans tout en étant épanoui.e à 1000 % ? Tant mieux. Vous aspirez à complètement l'inverse ? Tant mieux aussi.
Nous n'avons pas à nous justifier, à rassurer nos entourages plus ou moins bienveillants qui se demandent quand on va enfin arrêter, quand on va enfin avoir une vie normale. Ma famille ne comprend pas mon nouveau métier, tant pis. Certain.e.s jugent ce choix et pensent que c'est une passade, grand bien leur fasse.
J'ai l'opportunité immense de pouvoir essayer de vivre comme je l'entends : me poser, plusieurs mois d'affilée, dans des lieux nouveaux, puisque seule ma connexion internet sera nécessaire pour mon travail. Le terme de nomade digital.e, je ne l'emploie que rarement car j'ai l'impression qu'il est mal compris, mais c'est complètement ce à quoi j'aspire.
Et il n'y a aucun mal à cela.